Charly Hollyster. 2.
D’un mouvement peu orthodoxe du pied qu’elle accompagna d’une contorsion digne d’une gymnaste, Charly attrapa son jean qui gisait au sol. Elle fit de même pour sa petite culotte, roulée en boule, parmi un polo rouge et blanc aux couleurs des « Gunners » d’Arsenal et un pantalon kaki aux multiples poches bien trop grand pour elle. Alors qu’elle se déhanchait en sautillant sur place pour faire glisser, avec difficulté, le pantalon argenté un peu trop serré sur la partie la plus charnue de son corps finement musclé, elle chercha du regard sa paire de bottines. L’une trainait sous le canapé fushia, l’autre était pour le moment encore introuvable. Pressée par le temps, elle abandonna l’inspection de son bureau et opta pour une bataille qu’elle était plus à même de gagner en enfilant son chemisier sans le déboutonner. Finalement victorieuse, elle réalisa alors que son soutien-gorge était encore dans sa main. Un instant perplexe, elle finit par pouffer de rire.
C’est à ce moment-là qu’elle croisa le regard perplexe de Sven. Comme elle, il avait des yeux d’un bleu intense qui trahissait une origine nordique. Scandinave peut-être. Mais ceux de Sven était froids et tristes, lui conférant un air sauvage qui avait immédiatement fait craquer Charly.
- Quoi ? tu n’as jamais vu une femme s’habiller ? lui glissa-t-elle avec malice afin de dissiper une gêne naissante.
- Non. Enfin j’imagine que si marmonna-t-il dans sa barbe naissante, sans même vraiment s’adresser à Charly.
- Mais tu n’as vraiment aucun souvenir ? Aucun ? Pas même de l’endroit où j’ai pu balancer cette satanée bottine ? lui répondit-elle en lui faisant un clin d’œil espiègle.
Pour toute réponse Sven hocha la tête en direction de la porte d’entrée puis déploya son immense carcasse du canapé pour s’habiller à son tour. Charly, debout au milieu de la pièce, une bottine au pied, l’autre dans la main, se figea. Pour la première fois depuis leur (très récente) rencontre, elle prit le temps de détailler le corps meurtri de son amant. De multiples cicatrices et des traces de brulures ornaient son large torse et ses épaules massives. Des broches métalliques, témoins d’une chirurgie de fortune étaient décelables sous les muscles de ses cuisses. A n’en pas douter, il avait eu les jambes brisées. La jeune femme resta sans voix. Non qu’elle soit impressionnée par un corps blessé, désarticulé ou démembré, elle était Docteur au Sein du Knight tout de même, mais l’abstraction dont Sven faisait preuve à l’encontre des douleurs qu’il devait immanquablement endurer forçait son respect. Ce mec était un morceau de granit : brut, rude incassable et peu bavard. Elle était certaine qu’elle n’aurait jamais pu deviner l’état de ses blessures si elle ne l’avait pas déshabillé au bout de 10 minutes d’entretien. Elle vint se coller dans son dos et l’enlaça par la taille.
- Cela te fait mal ? lui souffla-t-elle à l’oreille.
- Un peu. Enfin si j’y pense.
- Mais dit moi Sven. Tout ce qui est inscrit dans ton dossier est réellement arrivé ? Je veux dire, cette histoire de colosse, ton coma sur le corps de ce monstre flottant à la dérive au large des Orcades… C’est vraiment arrivé ?
- Je ne sais pas. C’est le recruteur du Knight qui m’a raconté ce qu’il s’est passé. Moi je n’en ai aucun souvenir.
- Le recruteur du Knight ?
- Oui, Bobby Porter, un recruteur écossais est venu me voir à l’hôpital à Edimbourg pour me proposer de rejoindre le Knight. Il voulait que je passe les tests pour devenir Chevalier. En contrepartie, le Knight me remettait sur pied. Et si je deviens chevalier, il me paye même une chirurgie reconstructive totale pour remplacer ses broches par des prothèses et de la nanotechnologie.
Charly passa la main dans les cheveux de Sven. Non, tu n’es pas d’origine scandinave… Tu n’es pas assez blond à mon humble avis pour être un « Viking ». Peut-être danois à la limite.
- Les danois sont des « Vikings » se contenta de répondre froidement le géant. Nous devons terminer la séance pour que tu valides mon dossier ? demanda-t-il subitement, tout en la repoussant plus maladroitement que méchamment.
Vexée, Charly le congédia rapidement.
- Quel connard pensa-t-elle. Mais quel connard se répéta-t-elle plusieurs fois, comme pour se convaincre qu’elle ne devait pas le revoir. Ma pauvre Charly, tu t’es encore fait baiser par un connard… Dans la foulée, elle réactiva Mia, l’IA qui la secondait dans ses travaux et lui intima l’ordre de bloquer le dossier. Cet abruti n’était pas prêt d’enfiler une armure du Knight !!!